Théâtre du Grütli

Je suis vieux (pas beaucoup mais déjà)

de Frédéric Recrosio

24.03 29.03 2015

Frédéric Recrosio est un poète qui ne poète jamais plus haut que son cul. Après avoir fait pleurer des malheureuses et culbuté des coiffeuses, le voilà qui se frotte aux aléas du grand âge (en fait, la quarantaine!) Sur ce thème, le comédien suisse aurait pu en faire des tonnes. Mais, comme à son habitude, refusant de s'acquitter du péage qui mène aux autoroutes de l'humour, il préfère glisser du côté des chemins de traverse qui dispensent généreusement leurs secrets aux enfants vagabonds. Ce que propose en effet Frédéric Recrosio, c'est d'inverser la désopilante formule de Roland Barthes : « Ce que cache mon langage, mon corps le dit. Mon corps est un enfant entêté, mon langage est un adulte civilisé ». On se gardera par contre de citer Schopenhauer, qui était allergique à toutes formes d'humour, à l'exception des blagues de Toto. Dans ce nouveau spectacle, le comédien déplore la disparition concomitante de ses cheveux et de ses illusions. Il le fait seul sur scène, derrière ou devant son bureau, mais pas dessus à cause de ses articulations rouillées.


Né à Sion quelques jours après l'assassinat d'Hailé Sélassié 1er, Frédéric Recrosio dispose d'un alibi en or. Son talent est taillé dans la même matière. Après des débuts au sein de Los Dos, il entreprend de poursuivre seul la conquête du public. En 2003, son premier spectacle solo, intitulé  Rêver / grandir / et coincer des malheureuses, lui vaut la reconnaissance du public et de la critique. Il récidive 5 ans plus tard avec Aimer, mûrir et trahir avec la coiffeuse. En parallèle, il écrit un livre, enregistre un disque et se produit dans différentes émissions radiophoniques, dont Le Fou du roi, présenté par Stéphane Bern sur France-Inter. On a également pu le voir dans la série Scènes de Ménage, sur la RSR, ainsi qu'à la Coop où il fait occasionnellement ses courses.



Lettre d'intention

Voilà comment ça s'est passé. Un soir nous avons croisé Frédéric Recrosio avec une superbe fille à son bras. Après quelques considérations sur la perte concomitante de nos cheveux et de nos illusions, l'humoriste a lâché : « Mon rêve serait de jouer au Théâtre du Grütli ». Très logiquement, nous avons éclaté d'un rire franc et généreux, histoire de saluer cette improbable saillie. Impayable, ce Recrosio ! C'est alors qu'il a ajouté, le regard vaguement troublé et la voix soudain blanche : « Je suis sérieux ». Sérieux ? Diable : voilà qui changeait tout. Car si un Recrosio boute-en-train ne peut en aucun cas franchir le seuil d'un temple de la culture où se pratiquent la fructueuse friction des disciplines et la contorsion des concepts, un Recrosio placide peut toujours y pointer son museau. Ainsi donc, après avoir tant ri des pitreries de l'artiste, nous allions découvrir sa face cachée: celle où la quête métaphysique de l'individu vient échouer contre les souliers à guêtres d'Arthur Shopenhauer.

Confiants, nous nous sommes donc donnés rendez-vous pour la première de son nouveau spectacle, dans l'un de ces temples du divertissements qui accueillent aussi bien les gens de bien que le petit peuple démuni. En dépit de l'inconfort de cette promiscuité populaire, nous avons été sidérés par son spectacle sobrement intitulé Je suis vieux (pas beaucoup mais déjà). Outre le subtil clin d'oeil d'un titre faisant référence au très post-moderne Comment je me suis disputé (ma vie sexuelle) d'Arnaud Desplechin – clin d'oeil accessible aux seuls initiés - , ce soliloque contemporain s'approprie avec audace les règles du théâtre pour mieux les réinterroger. Ainsi des trois unités – de temps, de lieu et d'action – auxquelles vient s'ajouter une quatrième : l'unité d'acteur. Huis clos étouffant, aux relents sartriens mâtinés d'effroi castellucien, Je suis vieux met en scène un homme seul confronté à l'opiniâtre adversité de ses propres cellules. Elles ont en effet, perpétuant un schéma prévisible mais définitivement obscène, décidé de vieillir. Désemparé, presque hagard, l'homme se débat alors dans un champ épique de contradictions, soulevant ici la question du « que suis-je devenu ? » et là les jupes de sa mère. Sobre, presque dépouillée quand elle n'est pas austère, la mise en scène favorise cette spectacularisation du biologique. Un imaginaire de la transparence dévoile l'âme du personnage dans la surenchère d'un effeuillage infini. C'est nu, mais d'une nudité qui serait celle d'une résilience menée à terme, qu'apparaît l'homme vieillissant de Je suis vieux. 

Voilà donc ce qui nous a décidé à programmer Frédéric Recrosio. En dépit des fâcheux, des ladres et des faquins, qui s'insurgent contre l'humour sous prétexte qu'ils n'en ont pas. Au Théâtre du Grütli, on pense que le rire est le dernier refuge de la transgression. Et on se réjouit de faire ce pied-de-nez à l'esprit de sérieux qui caractérise notre époque.

L'équipe du Grütli

 

 


Mardi, jeudi et samedi à 19h, mercredi et vendredi à 20h, dimanche à 18h.
Durée du spectacle 90 minutes (environ)
Les places sont réservées jusqu'au 1er mars 2015. Nous les remettons en vente après cette date.

Ce spectacle a lieu dans la Grande salle (sous-sol)


Texte et interprétation Frédéric Recrosio Mise en scène Jean-Luc Barbezat

Photos ©DR

Frédéric Recrosio sur dailymotion

Accueil.
Production Cie Frédéric Recrosio
​Le spectacle Je suis vieux s'est vu décerner le Prix SSA 2014 de l'humour


 
 

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